Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/552

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
548
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


contrairement à l’étiquette dont il avait la superstition, marchait à grands pas dans son cabinet et, les pommettes rouges, son œil glauque, éclairé par une colère mal contenue, la voix hésitante, il répétait qu’il ne voulait rien entendre et que cette affaire ne le concernait pas. Le prince, qui oubliait volontiers son rang pour n’être qu’un homme compatissant et généreux, insista jusqu’au point où il serait sorti de la réserve que lui commandait la situation. Il se retira enfin, non sans laisser percer quelque chose de sa déception ; Faure signa les décrets que lui présenta le général Bailloud et dit que ses audiences officielles étaient terminées.

Il était alors un peu plus de 5 heures[1].

Environ une grande heure après, Le Gall et les officiers de service, qui se tenaient dans des pièces voisines, entendirent des cris qui venaient de la rotonde, à l’aile gauche du rez-de-chaussée du palais, où était le cabinet du Président.

Saint-Simon raconte la mort de l’archevêque de Paris, Harlay de Champvallon, d’une santé flétrie, mais qui n’en recevait pas moins « toutes les après-dînées sa bonne amie la duchesse de Lesdiguières », « et toujours tous deux seuls ». Son maître d’hôtel, venant l’avertir qu’il était servi, « le trouva sur un canapé, renversé », et sans vie. La duchesse s’était esquivée, et sans appeler à l’aide. « Le P. Gaillard fit son oraison funèbre à Notre-Dame » ; la matière était plus que délicate et la fin terrible[2].

  1. Lettre du prince Albert : « J’ai quitté M. Faure à 5 heures. » Le Gall rapporte que le général Bailloud présenta alors les décrets à la signature, que Faure causa un quart d’heure avec Blondel, sous-chef du cabinet civil, et que, lui, Le Gall rentra à 6 h. 5, après s’être absenté pendant une heure.
  2. Mémoires (Éd. Boislisle), II, 353. — Cf. Mémoires de l’Abbé Le Gendre, 200.