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LE DESSAISISSEMENT


premier mot, il avoua que le Gouvernement avait cédé devant les injonctions des aboyeurs : « La question s’est posée devant l’opinion publique de savoir si, dans la procédure en revision, on devait maintenir à la Chambre criminelle… » Il se servit du projet de Rose comme d’un repoussoir : « Il n’y a pas en réalité d’identité entre le rôle de juge d’instruction et celui de la Chambre criminelle procédant à une enquête. La Chambre criminelle ne statue ni par une ordonnance ni par un arrêt préalable… Il ne saurait donc être question de l’exclure du jugement des demandes en revision. » En effet, l’argumentation de Rose n’avait de juridique que l’apparence ; mais, dès lors, le masque même d’une raison de droit manquait au projet de Lebret, qui n’invoquait que l’opinion, c’est-à-dire Quesnay, Cavaignac et Drumont, Il dit en terminant, sans se mettre en frais d’éloquence :

La modification que nous proposons porte sur une question de compétence et de procédure ; le nouveau texte s’appliquerait, par suite, immédiatement, à une affaire qui divise profondément tous les esprits. On objectera sans doute que c’est une loi de circonstance ; c’est surtout une loi de nécessité et d’apaisement.

Un député[1] : « Signé Quesnay de Beaurepaire. »

Le gros Berry, qui avait dit qu’il fallait laisser Dreyfus au bagne, « innocent ou coupable », remercia Dupuy : « Ce projet donne une entière satisfaction à ceux qui, comme moi, ne cherchent qu’à faire triompher la vérité et la justice. » Cependant, il exigea en outre la publication de l’enquête de Mazeau, afin qu’on sût si le projet était une sanction suffisante aux actes de la Chambre

  1. Périllier. — Sembat : « C’est une loi de soumission à M. Quesnay de Beaurepaire. »