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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tout ce qui s’en était suivi jusqu’à sa fuite, après la mort d’Henry. D’abord, l’État-Major, tout entier était venu à son secours, puis Cavaignac avait « promis sa peau », et avait tenu parole, sans qu’il en fût empêché par les généraux, chefs poltrons et ingrats, « plus faits pour être capitaines-marchands de galiote sur les canaux de la Hollande que capitaines de gens de guerre, Quand vient la tempête, ils jettent les petits pour sauver les gros ; c’est leur affaire. » « Moi, c’est entendu, je suis le « reître », le « lansquenet », « le condottiere » ; on m’appelle ainsi, et « je m’en vante. » « Avec des soldats comme moi, on gagnait les batailles, et ils n’abandonnaient pas les leurs dans la mêlée. » Pourtant, « il ne veut encore rien dire », sauf son mépris des « lâches » qui ont déposé contre lui, Weil, « son camarade d’enfance », Curé, l’ami de Picquart, Jules Roche et Bertulus. Il a trop vu, à l’étranger, « la joie de tous les ennemis de la France », pour y ajouter de son fait.

Aux questions précises qui lui furent posées sur ses rapports avec Sandherr, il refusa de répondre : « J’ai des preuves décisives ; je les produirai quand je le voudrai. Comme témoin, j’ai dit ce que j’avais à dire ; comme accusé, je demande à consulter mes conseils. » Il convint de ses lettres sur papier pelure, celles que Sevestre et Mercier attribuaient aux juifs. Quand Lœw lui représenta le bordereau : « Je le reconnais ; seulement il a changé de ton. »

Il dit cela tranquillement, comme un amateur qui retrouve une estampe jaunie.

« Vous avez dit que l’écriture du bordereau avait été calquée par Dreyfus sur la vôtre ? — Le premier conseil de guerre a attribué le bordereau à Dreyfus ; le deuxième conseil de guerre ne me l’a pas attribué, et on a