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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


notamment, il s’était procuré de l’écriture de Scheurer et de la mienne, des vols de papiers à l’ambassade d’Allemagne et à l’ambassade d’Italie, les fausses lettres qu’il avait fabriquées à l’aide de ces divers modèles. Il avait forgé également, par un procédé qu’il indiqua, de fausses lettres de Dreyfus et de son frère, ainsi que de Picquart, et de faux cachets de la poste (Paris, Berlin, Carlsruhe et Bruxelles) pour les authentiquer[1].

Du Paty étonna beaucoup, bizarre, compliqué, mais tout autre que l’homme de la légende ou de l’acte d’accusation de Cuignet, et malgré de cauteleux sous-entendus, presque véridique, soit qu’il déniât, soit qu’il avouât. Ainsi, il se défendit d’avoir recherché l’enquête sur Dreyfus, protesta qu’il « aurait jugé téméraire et irrégulier de poser des conclusions fermes », bien qu’il crût, « jusqu’à preuve du contraire », à la culpabilité de Dreyfus, et déclara que, dans ses fonctions d’officier judiciaire comme dans ses rapports avec Esterhazy, il s’était conformé aux ordres ou aux désirs de ses chefs responsables. Il est exact que Sandherr l’a prié d’écrire une note sur des pièces secrètes ; celles que Picquart a énumérées en faisaient partie ; ce que Sandherr a fait de cette note, il l’ignore. Il est faux qu’il ait révélé à Drumont l’arrestation de Dreyfus. Il n’avait pas vu Esterhazy depuis dix-huit ans, où il l’avait entrevu deux fois, en Afrique, quand, « pour des considérations d’ordre supérieur », il fut envoyé à son secours. Il a participé largement à la collusion, mais est resté étranger aux épisodes les plus fameux, le document libérateur, les fausses dépêches. En vain, « il a demandé à poursuivre

  1. 17 janvier 1899. — Cette déposition ne figure pas dans le recueil des procès-verbaux de la chambre criminelle, le texte ayant été envoyé tardivement à l’imprimerie. Je la résume d’après la copie que Mornard en avait fait prendre.