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LE DESSAISISSEMENT


sier diplomatique, qu’il apporta et commenta : la dépêche de Panizzardi, du 2 novembre 1894, « d’une sincérité manifeste », dont Henry, par deux fois, avait détruit la traduction authentique (celle que Cuignet, précédemment, avait arguée de faux) ; les déclarations de Munster et de Tornielli ; la dépêche de l’ambassadeur de France à Rome, d’avril 1898, sur les sommes touchées par Esterhazy, plus de deux cent mille francs ; et le propos d’une personnalité étrangère, « en situation d’être bien renseignée », qu’il existait à Berlin, au ministère de la Guerre, « environ 225 documents livrés par l’espion[1] ».

Pour les lettres de l’Empereur d’Allemagne, Paléologue n’en avait entendu parler qu’une seule fois, par Henry ; il n’y eût jamais aucun document de cette sorte. Le même jour[2], Delcassé déclara à la Chambre que, « s’il y avait eu des faux, le fabricant se serait bien gardé de les porter au quai d’Orsay ».

Cette question s’obscurcissait de plus en plus. On avait beau presser Drumont et Rochefort, qui, les premiers, avaient révélé les fameuses lettres ; on n’en tirait

  1. Cass., I, 388, Paléologue. (9, 20 et 25 janvier, 3 février 1899.)
  2. 20 janvier 1899. — Interpellation de Jules-Louis Breton sur le dossier ultra-secret. La discussion fut fort confuse. Un député radical, Charles Tramu, affirma que Rambaud, en septembre, à un banquet, à Rocologne (Doubs), avait déclaré que « le ministère Méline connaissait le faux d’Henry, mais avait pensé que le mieux était de n’en rien dire ». Il produisit les attestations de plusieurs convives. Barthou, puis Méline déclarèrent qu’on n’avait pas compris Rambaud ; ils n’avaient connu le faux que par les aveux. Méline équivoquait, entendant dire qu’il ne savait pas qu’Henry fût l’auteur du faux qui avait été dénoncé par Tornielli à Hanotaux. Le discours de Méline fut très applaudi à droite : « Si vous voulez, dit-il, qu’on respecte la magistrature, commencez par respecter l’armée. »
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