Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/497

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
493
LE DESSAISISSEMENT

Il était coutumier, au moindre désaccord, de mettre à ses chefs le marché à la main. Cette démission, l’abandon d’une riche prébende, parut quelque chose d’héroïque.

Lebret flotta trois jours comme une épave. Il écrivit d’abord à Mazeau d’« appeler » Quesnay à « s’expliquer[1] », c’est-à-dire de le retenir ; et, en même temps, il l’invita à engager Lœw et Bard à se récuser (9 janvier). Ces deux grands magistrats s’étant indignés au premier mot, Mazeau annonça à Lœw, le lendemain, qu’il prendrait la présidence de la Chambre criminelle pour l’arrêt et qu’il se réservait le choix du rapporteur[2]. Lœw protesta, demanda à Mazeau de prendre tout de suite la présidence, de diriger la fin de l’enquête. Mazeau, comme on peut croire, déclina le périlleux honneur. Pour Quesnay, il refusa tout entretien, parce qu’il n’était plus magistrat, et Lebret dut se résigner à le remplacer. — Son choix s’arrêta sur l’un des conseillers les plus réputés de la Chambre des Requêtes, Ballot-Beaupré[3]. — Enfin, le troisième jour, comme la Chambre était rentrée la veille et paraissait houleuse, il invita Mazeau[4], en prévision de l’interpellation du lendemain, à ouvrir d’urgence une nouvelle enquête, ainsi qu’il en avait été sommé par Quesnay, et sur les faits que celui ci, qui n’avait fait qu’un saut de la Cour de cassation aux bureaux de l’Écho de Paris, avait « signalés » dans ce journal : à savoir que Lœw, conseillé par Leblois, avait conduit sa procédure avec un

  1. Enq. Mazeau, 12, lettre du 9 janvier 1899. — « Je ne pouvais traiter un témoignage comme j’aurais traité ce qui aurait été une dénonciation publique. » (Sénat, 19 janvier.)
  2. L’incident fut connu aussitôt et fournit à Cavaignac l’un des principaux arguments de son discours du 12. (Voir p. 496.)
  3. Décret du 10 janvier.
  4. Lettre du 11.