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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


publique : « Comment tout le monde s’inclinerait-il devant l’arrêt si toutes les pièces n’étaient pas versées ? » — « Non ! Non ! » à droite. — Massabuau : « Plutôt l’acquittement ! »

La question, maintenant, était clairement posée. Il ne s’agissait pas de savoir si des garanties de discrétion seraient ou non demandées à la Cour de cassation, (elle les offrait elle-même), mais s’il existait ou non, dans le dossier, des pièces « dont la divulgation pourrait intéresser la sûreté de l’État », c’est-à-dire compromettre la paix avec l’Allemagne. Dupuy n’hésita pas à l’affirmer, parce que c’était la volonté des adversaires de la Revision et que c’était faire leur jeu, et, comme il était plus lourd et plus brutal que Freycinet, il ajouta que, si des garanties explicites n’étaient pas données par la Chambre criminelle, le dossier ne serait pas communiqué. Il refusait ainsi aux magistrats la confiance que tous les ministres de la Guerre avaient accordée aux détenteurs galonnés du dossier secret, d’Henry à Cuignet.

Brisson, n’y pouvant tenir, prononça la parole nécessaire : que Cavaignac lui avait fait voir cinquante ou soixante pièces secrètes, apparemment celles qui lui avaient paru les plus décisives ; et « qu’aucune ne pouvait intéresser, par sa communication, la sûreté de l’État ».

Il fut hué à droite, « par des cris, dit le Président, qui n’avaient rien d’humain ».

Dupuy, se sentant atteint, se tourna alors vers Cavaignac qui essaya une dernière ressource, mais sûre. Il déclara que Brisson n’avait pas vu toutes les pièces, qu’il avait décliné notamment de prendre connaissance de tout un dossier du général Gonse, que ce dossier « contenait des éléments essentiels de conviction », et