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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Cent fois, Drumont et Humbert se sont vantés d’avoir révélé l’arrestation et le nom de Dreyfus. Grousset le rappelle. Aussitôt Drumont : « C’est un roman[1] ! » et Humbert : « La nouvelle est venue de Demange[2]. »

Après une bagarre où les députés se gourmèrent[3], Freycinet gémit que, « s’il avait pu soupçonner qu’il s’agissait d’une pareille interpellation », il ne l’eût pas acceptée ; de même Dupuy ; Deschanel menaça Grousset de lui retirer la parole. Mais Grousset, très ferme, alla jusqu’au bout de ses citations : les journaux de l’État-Major ne se sont pas contentés de mettre l’Allemagne en cause, mais encore l’Italie, la Russie et l’Autriche ; et tous ces articles « se relient, forment une chaîne, indiquent et accusent un système ». Le Gouvernement entend-il tolérer plus longtemps « la répétition de ces menées » ? Freycinet et Dupuy « veulent-ils gouverner avec la République ou avec le Gésu » ?

Précisément parce que Grousset allait au fond des choses, on ne le comprit pas, ou on refusa de le comprendre. Freycinet, qui savait à quoi s’en tenir, balbutia « que s’il existait, dans l’administration de la Guerre, des hommes capables de commettre de telles indiscrétions, il saurait les punir… » Puis, comme la droite réclamait, — tous ceux « qui avaient reçu les confi-

  1. Compte rendu analytique, reproduit, notamment par le Matin. Au compte rendu sténographique et dans son journal, Drumont supprima l’interruption.
  2. Et encore : « La défense était constituée, j’en suis sûr. » — Voir t. I, 324. — Au procès Zola, Mercier avait fait la même insinuation. (III, 357.)
  3. Cadenat, socialiste, frappe Laurent Bougère à la figure : les royalistes prêtent main forte à Bougère, les socialistes à Cadenat, Déroulède et Gauthier (de Clagny) insultent Antide Boyer, qui les provoque en duel.