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LA SOUSCRIPTION HENRY


tionnel, qui jugera seulement de l’intention, puisque l’intention, dans l’espèce, fait le délit[1]. Selon d’autres, si le mort fut un fonctionnaire public, la diffamation et l’intention seront soumises toutes deux au jury[2]. Or, je n’avais point cherché à atteindre la veuve d’Henry et il importait de prouver qu’Henry avait eu un intérêt personnel à perdre Dreyfus.

III

Drumont, qui avait pris l’affaire en mains, annonça que Mme Henry était réduite à réclamer l’assistance judiciaire, mais que ce serait une « honte pour la France », et qu’il ouvrait une souscription pour subvenir aux frais du procès et permettre aux « braves gens » de se compter. Il plâtra au balcon de son journal, sur le boulevard, en plein Paris, une longue bande de toile avec ces mots : « Pour la veuve et l’orphelin du colonel Henry contre le juif Reinach », et, tout un mois, du 14 décembre au 15 janvier, les « patriotes » portèrent ou envoyèrent leur obole, cent trente mille francs[3], en l’honneur de « l’officier français tué, assassiné par les juifs ». « Si minime que soit l’offrande versée, c’est un soufflet sur la face immonde de Reinach, l’ignoble[4]. »

Le nombre des souscripteurs s’éleva à environ 15.000,

  1. Notamment Barbier, Code expliqué de la presse, II, 89.
  2. C’est le système qui fut adopté par la cour d’assises (Arrêt du 3 décembre 1900). Le Procureur général se pourvut ; la Cour de cassation allait rendre un arrêt de principe, quand intervint la loi d’amnistie ; l’affaire fut rayée des rôles.
  3. Exactement 131.110 fr. 15 centimes.
  4. Libre Parole du 17 décembre 1898.