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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


du comte Tornielli, qui fut confirmé par l’ambassadeur Barrère[1] : « C’est pendant cette année (celle qui suivit la condamnation de Dreyfus) que les deux traîtres et Schwarzkoppen firent leurs plus belles récoltes, Schwarzkoppen de renseignements, Henry et Esterhazy d’écus, près de cent mille francs. » Si je ne faisais pas la preuve « que son pauvre mari avait reçu cette somme de l’étranger », « j’étais le plus criminel, le plus odieux, le plus lâche des diffamateurs, je n’échapperais pas à la responsabilité que j’avais encourue ; elle ne me permettrait pas de me dérober ».

Déjà, on annonçait de toutes parts qu’elle m’allait intenter un procès.

J’aurais pu répondre à l’évidente provocation qu’il n’y a d’outrage à la mémoire des morts que si l’héritier vivant a été visé à travers le mort ; — ainsi l’a voulu le législateur[2] ; — que je n’avais nommé ni la veuve ni l’enfant d’Henry, et que l’idée d’insulter à un tel deuil n’eût pu venir qu’à un sauvage. Peut-être eût-il été plus habile de laisser l’offensive aux gens qui poussaient l’infortunée. Mais cette habileté me répugnait. Je déclinai « toute controverse avec la malheureuse signataire de cette lettre », mais j’ajoutai que « la loi lui offrait le moyen d’établir, en me poursuivant aux assises, qu’Henry n’avait pas été le complice d’Esterhazy »[3].

La question de compétence est sujette à controverse. Des auteurs veulent « que les procès pour outrage à la mémoire des morts soient portés devant le tribunal correc-

  1. Cass., I, 394, Paléologue. D’après l’information de Barrère, « Esterhazy aurait reçu, en ces dernières années, une somme de 200.000 francs ».
  2. Article 34 de la loi du 29 juillet 1881.
  3. Siècle du 9 décembre 1898.