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CHAMBRE CRIMINELLE


pour perdre Esterhazy, qu’il connaissait avant l’arrivée du petit bleu. Tavernier lui-même avait découvert que la notice nécrologique du marquis de Nettancourt était antidatée, et Gonse avait reconnu dans l’annotation l’écriture d’Henry[1]. Toute l’accusation contre Picquart d’avoir connu Esterhazy avant le petit bleu reposait sur cette fraude ; elle eût dû tomber avec elle[2]. Tavernier, une fois de plus, passa outre. Les erreurs de date qu’a commises Picquart sur l’arrivée de la carte-télégramme suffisent à prouver sa mauvaise foi. Alors qu’il a chargé Desvernine, le 8 avril 1896, de surveiller Esterhazy, il a écrit, le 1er  septembre de la même année, dans un rapport : « À la fin d’avril 1896, le service a été mis en possession d’une missive (la carte-télégramme)… » Les experts ont opiné que le petit bleu n’est pas de son écriture ; Picquart a pu fort bien le faire écrire par quelque complice[3]. Il a d’ailleurs le goût des supercheries, ayant proposé d’envoyer à Esterhazy une fausse dépêche signée de la même initiale que le petit bleu. « On était alors au dernier jour des manœuvres ; il était bien certain, étant donné le genre de vie d’Esterhazy, que, touché ou non par le télégramme, celui-ci rentrerait à Paris pour y retrouver sa maîtresse. » Et c’eût été une preuve contre le malheureux ! En outre, il résulte des dépositions « de Guénée[4], de Gribelin et de Capiaux » que Picquart a communiqué à Leblois, au cours de l’automne de cette même année, le dossier secret de Dreyfus et deux autres

  1. 2 et 10 novembre 1898.
  2. Cass., I, 147 ; Rennes, I, 419, Picquart.
  3. « Étant données les circonstances particulières dans lesquelles cette pièce est arrivée à la S. S., il nous paraît difficile d’admettre que l’inculpé soit resté étranger à sa fabrication. »
  4. Les rapports de Guénée à Henry, d’octobre et de novembre 1896), furent joints au dossier. (Cass., I, 173, Picquart.)
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