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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de hauteur. Depuis deux ans, il n’avait vu que les quatre murs de son bagne. Il revit la mer et « la maigre verdure des îles »[1].

VI

Pendant que la Chambre criminelle commençait son enquête, Tavernier s’apprêtait à clôturer la sienne.

Henry, comme je l’ai raconté[2], quand il eût gratté l’adresse du petit bleu, oublia de détruire les photographies que Picquart en avait fait prendre par Lauth et qui ne portaient trace d’aucun grattage. Aussi bien ne le pouvait-il déjà plus, après avoir appelé l’attention des chefs sur ces épreuves que Picquart, selon Lauth et lui, avait voulu falsifier. À la réflexion, Henry comprit que son « grattage » était une sottise, et dangereuse. Au contraire, Roget, méridional sans réflexion, sortit à la fois les photographies et la carte-télégramme (sans se douter que les deux accusations se détruisaient l’une l’autre) ; bien plus, bavard et emporté, il grossissait tout et poussait les autres témoins à amplifier. Ainsi Junck soupçonnait maintenant Picquart d’avoir voulu supprimer l’original du petit bleu et présenter seulement aux chefs la photographie retouchée. Billot s’en serait contenté, — comme Mercier de celle du bordereau sur papier fort.

Des experts furent enfin désignés, Tavernier leur remit le petit bleu, la note au crayon, des spécimens de l’écriture de Picquart et de Schwarzkoppen, et les pho-

  1. Cinq Années, 308.
  2. Voir t. II, 463.