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CHAMBRE CRIMINELLE


opinions contradictoires, le brouillard des hypothèses et des mensonges, il y faudra revenir. Mais la Chambre criminelle se crut engagée d’honneur à élucider toute l’Affaire.

IV

Elle entendit d’abord les cinq anciens ministres de la Guerre[1]. Ils affirmèrent la culpabilité de Dreyfus. Mercier, très rogue, Cavaignac, dans un interminable discours qui sentait l’huile, Zurlinden, peu informé, prétendirent en faire la démonstration ; Chanoine et Billot s’abritèrent derrière la chose jugée et le secret d’État.

Visiblement, ils s’étaient concertés entre eux, et avec Boisdeffre, surtout avec Roget[2], qui lui-même, comme on l’a vu, tenait sa science d’Henry. Et, visiblement aussi, ils s’efforcèrent de dégager le seul d’entre eux que la loi pénale eût pu atteindre : Mercier. La forfaiture entraîne cinq ans de prison et la dégradation civique. Tous le couvrirent, se solidarisèrent avec lui, alors qu’ils n’avaient eux-mêmes à sauver que leur amour-

  1. Mercier et Billot le 8 novembre, Cavaignac le 9 et le 18, Zurlinden et Chanoine le 14. (Cass., I, 3 à 51.)
  2. Cass., I, 8, 9), Mercier. Il indique nombre de pièces postérieures à son ministère, notamment le brouillon de Schneider, postdaté par Henry (voir t. III, 49), la lettre de Rémusat, de 1898, sur l’obus Robin (voir t. III, 593), le travail de Roget sur l’impossibilité pour Esterhazy d’avoir connu les documents énumérés au bordereau ; il fait également allusion à la prétendue enquête de Picquart sur Donin de Rosière, avant de suivre « la piste Esterhazy ». (Voir p. 265.) De même Zurlinden (I. 48).