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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


core, au conseil, il pouvait nous avertir de son intention de se retirer ; il pouvait adresser sa démission au président du Conseil… Rien, vous entendez bien ? rien jusqu’ici n’avait pu faire prévoir au Gouvernement la démission que, contrairement à tous les usages, le général Chanoine vient de donner… La Chambre me soutiendra dans ma volonté de faire prévaloir la suprématie du pouvoir civil. »

Presque tous les républicains l’applaudirent. La séance fut suspendue pendant une heure. Brisson se rendit avec Sarrien à l’Élysée, où Chanoine les avait précédés ; mais Faure avait refusé de le recevoir. Il fut convenu que, le soir même, Lockroy serait chargé de l’intérim du ministère de la Guerre.

Les bureaux des groupes républicains s’étaient concertés pendant cet entr’acte, depuis les socialistes jusqu’aux plus modérés. Ils déposèrent cet ordre du jour : « La Chambre, affirmant la suprématie du pouvoir civil et confiante dans l’armée, fidèle observatrice des lois de la République, décide d’ajourner à jeudi (au surlendemain) la discussion des interpellations[1]. »

Il eût fallu voter sans débats ; cette vilaine journée en serait devenue belle. Au contraire, on se mit à parler, et l’acte s’évapora en paroles. Au bout d’une heure d’éloquence, Chanoine n’était plus qu’un nom, déjà effacé à demi, sur le sable.

Le radical Bos eût voulu faire le jeu de la droite qu’il ne s’y fût pas pris autrement : « J’invite le Gouvernement à s’inspirer des grands souvenirs de la Convention, quand les généraux méconnaissaient les pouvoirs

  1. Signé Ribot, Isambert, De la Porte, Camille Pelletan, Fournière, Poincaré, Méline, Barthou, Codet, Guillemet, Henri Ricard, Dujardin-Beaumetz, Bérard, Doumergue, Baudin, Merlou, Lagasse.