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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


peuple (c’est-à-dire « les sans travail », les anarchistes, les professionnels de l’émeute) à se porter en masse, le jour de la rentrée des Chambres, sur la place de la Concorde, si les nationalistes y paraissaient.

Cette folie effraya les gens paisibles, à peine rassurés depuis la fin des grèves ; quelques libéraux, qui n’avaient pas oublié les enseignements de l’histoire, rappelèrent « l’éternelle filiation des troubles populaires et du despotisme[1] ».

Les violents, entre autres violences, s’attribuent le monopole du courage ; le plus rare courage, c’est d’être « juste et modéré », selon la formule de Mirabeau, « de chercher toujours à avoir raison ».

Deux manifestes parurent le même jour[2] : celui de la coalition révolutionnaire[3] invitait les citoyens s’ils ne voulaient « laisser étrangler ni la justice ni la liberté », à « disputer aux bandes réactionnaires la rue glorieuse, la rue des revendications énergiques, la rue des barricades… » ; la Ligue des Patriotes[4] conviait les Parisiens à « protester devant le Palais Bourbon de leur confiance dans l’armée et de leur aversion pour les traîtres ; aucun outrage à la France ne devra être supporté ». Le lendemain, ce fut la Ligue antisémitique, avec d’étranges signatures d’Italiens et d’Algériens à côté de celles de Drumont et de Guérin : « Que partout retentisse ce cri : À bas les juifs, vive l’armée, à bas les traîtres ! »

Le Comité de la Ligue des Droits de l’Homme supplia

  1. Temps du 21 octobre 1898.
  2. 22 octobre
  3. Allemane, Briand, Broussouloux, Cyvoct, Sébastien Faure, Leyret, Lacour, Matha, Mirbeau, Quillard, Paule Minck, etc…
  4. Déroulède, Gauthier (de Clagny), Marcel Habert, etc. — La convocation suivante fut adressée aux ligueurs : « L. D. P. Pour le mardi 25 octobre 1898. Chers camarades, le rendez-vous est