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BRISSON


refus de communiquer le dossier secret, aussitôt connu de la presse royaliste ; la nomination de Roget au commandement d’une brigade à Paris ; les propos de son entourage, surtout de Cuignet ; le silence à son endroit des insulteurs ordinaires du Gouvernement, autant d’indices qui auraient dû édifier Brisson, mais qui n’altérèrent en rien sa confiance.

Un autre incident ne l’éclaira pas davantage.

Sarrien, le jour même où il avait saisi la cour de cassation de la demande en revision, avait déclaré au Conseil que les violences de certains journaux contre les chefs de l’armée seraient désormais sans excuse et qu’il allait, en conséquence, inviter les parquets à les poursuivre. Or, Chanoine, à qui il appartenait, aux termes de la loi[1], de porter plainte ou de faire porter plainte par les généraux outragés, s’y refusa constamment, malgré les réclamations pressantes du garde des Sceaux[2], et sans alléguer d’autres raisons « qu’il était préférable de ne rien faire ». Ainsi l’impunité des diffamateurs et des insulteurs, qui traitaient couramment les généraux de « coupe-jarrets », de « filous » et de « vermine »[3], était du fait de Chanoine, mais les partis la reprochaient à Brisson.

On a vu que les royalistes avaient reconnu du premier jour en Chanoine un de ces hommes qui ne repoussent pas les conversations délicates et qu’ils débat-

  1. Article 47 de la loi sur la presse.
  2. Lettres de Sarrien en date des 5, 11 et 17 octobre 1898 ; réponses négatives de Chanoine aux mêmes dates : « J’estime préférable de ne pas exercer de poursuites. » (Chambre des députés, séance du 25 octobre.) — Petit Journal du 26 : « J’estimais, dit Chanoine, que c’était une duperie à cause de l’insuffisance des lois et des sanctions. »
  3. Aurore du 7 octobre 1898, Petite République des 20 et 26, Droits de l’homme du 25, etc.