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BRISSON


avec Sébastien Faure, Allemane et Cyvoct, forçat innocent et récemment libéré. Il racontait l’Affaire, en tirait des conclusions politiques et philosophiques, « prêchait bien », comme disent les femmes de Provence d’un candidat éloquent ou disert. Cette rude besogne, après ses multiples travaux de la journée, dont il se reposait autrefois dans d’immenses lectures, et si neuve pour lui, où souvent il courut de sérieux dangers quand les assommeurs antisémites se ruaient sur la tribune, ou, à la sortie, dans d’obscurs guets-apens, il la pratiquait comme un apostolat. Son vrai tempérament, celui des pasteurs du Désert, se réveilla en lui. Sa vieille mère, aveugle, venait l’entendre et l’applaudir.

Ces réunions se terminaient par des votes en faveur de la Revision, « immédiate et loyale », ou de flétrissure contre Mercier.

Les cléricaux en voulurent beaucoup plus à Pressensé qu’aux anarchistes qui poursuivaient la même propagande. On l’accusa d’avoir fait voter que « Picquart était le seul honnête homme de l’armée ». Il rectifia : « de son bureau d’État Major »[1]. Le Conseil de la Légion d’Honneur s’empara de la phrase falsifiée[2], se rappela que Pressensé avait renvoyé son ruban de chevalier dans une lettre injurieuse et, refusant sa démission, prononça sa radiation. Par pudeur, Davout fit rayer d’abord Esterhazy[3].

Les nationalistes ramassaient dans ces réunions toutes

  1. Lettre à Lasies (8 septembre 1898). L’ordre du jour avait été déposé par Cyvoct, qui en prit la responsabilité. (Aurore du 12).
  2. 19 septembre. — Pressensé refusa de se rendre devant la commission chargée d’entendre ses explications (18 octobre). La radiation fut prononcée le 15 novembre.
  3. 29 octobre.
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