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BRISSON


la notice biographique, qui accompagnait les pièces secrètes, et le commentaire de Du Paty, qui n’avait pas servi, mais que Picquart avait vu[1], on dicta cette réponse à Zurlinden « qu’il n’y avait pas trace de cette communication au ministère[2] ». — Il a dit, plus tard, que malgré ses recherches dans les bureaux, il n’avait pu rien savoir à ce sujet[3]. — On peut supposer qu’il n’osa pas interroger Mercier ou Boisdeffre, questionna seulement Roget ou Gonse, et qu’ils lui firent ce mensonge à la jésuite.

Le mauvais vouloir traditionnel des soldats, quand des étrangers à leur caste veulent regarder dans leurs affaires, s’expliquait surtout dans celle-ci ; mais, cette fois surtout, c’était une faute, et presque aussi lourde que l’injustice même qu’il s’agissait de couvrir, parce que les républicains avaient fait de la suprématie du pouvoir civil l’une de leurs doctrines d’assises, qu’ils en étaient particulièrement jaloux, et que l’évolution de Zurlinden apparaissait comme une révolte de l’autorité militaire, s’érigeant en pouvoir indépendant et dressant drapeau contre drapeau. C’est ce que le gros du parti ne pouvait tolérer. Les républicains n’en voulaient à Brisson d’aucune de ses erreurs dans l’Affaire jusqu’au coup de rasoir d’Henry, parce que ses erreurs avaient été (trop récemment) les leurs ; bien au contraire, ils lui en savaient gré, parce que l’aveuglement d’un citoyen aussi

  1. Voir t. I, 450 ; II, 294 ; III, 193.
  2. Revision, 120, lettre du 11 septembre 1898.
  3. Cass., I, 48, Zurlinden : « Je n’ai rien pu apprendre malgré mes recherches au ministère. J’ignore si ce bruit (de la communication secrète) est fondé ou, au contraire, si c’est une simple légende, résultant de ce qu’au bureau des Renseignements on aurait peut-être songé, au moment des débats, à préparer des documents qui pourraient être communiqués aux juges, sans qu’on ait donné suite à ce projet. Je le répète, je n’ai pu recueillir à cet égard aucune espèce de renseignement. »
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