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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


vernement comme un soliveau[1] », ou ce fut Félix Faure qui le lui suggéra.

Que Zurlinden fût ou non de bonne foi, surtout s’il l’était, cette prétention suffisait à montrer qu’il n’était pas acquis à la Revision, comme on l’avait supposé, et que le crime avéré d’Henry ne l’avait pas édifié. Il n’y avait donc qu’une réponse à lui faire, au risque de se heurter à un refus et de prolonger la crise : qu’un homme qui raisonnait ne pouvait plus admettre la validité d’un dossier qu’Henry avait cru nécessaire de consolider, après coup, par des faux ; qu’aussi bien l’examen des pièces judiciaires n’était pas du ressort du ministre de la Guerre, mais du ministre de la Justice ; que l’expérience qu’on venait de faire avec Cavaignac, qui lui aussi avait voulu s’ériger en juge, suffisait ; qu’il n’y avait plus, dans l’intérêt même de l’armée, qu’à saisir la Cour de Cassation ; et que tout retard ne pouvait servir qu’aux agitateurs, de part et d’autre, et à remettre en doute de lumineuses certitudes. Mais Brisson téléphona seulement à Sarrien, qui joignait à l’incapacité de rien prévoir une peur extrême de la presse violente, et qui consentit, sans plus de réflexion, aux exigences du général[2].

Zurlinden conclut d’une telle hâte à passer par où il voulait que ces civils, n’étaient pas plus sûrs que lui de l’innocence de Dreyfus et qu’ils le faisaient l’arbitre de la Revision. En termes discrets, c’était bien ce qu’il avait réclamé et ce qu’il faisait savoir à ses camarades, dans la note qu’il rédigea avec Brisson.

Comme il observa « qu’il quittait avec regret le gouvernement militaire de Paris » et que c’était un véri-

  1. Rennes, I, 205, Zurlinden, et Réponse à Brisson.
  2. Note du 6 septembre 1898. — Souvenirs de Brisson et Réponse de Zurlinden ; Cass., I, 41, Zurlinden.