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BRISSON


douter qu’il souffrit d’un tel rôle, sous le décor officiel, et que plus d’une fois, dans l’attente anxieuse des événements qui éclataient comme des mines, ou pendant qu’il paonnait dans les pompes militaires, son cœur malade battit à se rompre.

IV

Il donna d’abord à Brisson un ministre qui recommencerait Cavaignac.

On avait engagé Brisson à prendre lui-même le portefeuille de la Guerre ; Vallé, son sous-secrétaire d’État, l’eût remplacé à l’Intérieur[1]. Encore atterré sous les événements, il n’en avait pas la force. Il lui parut aussi que l’armée accepterait mieux d’un soldat la revision nécessaire.

Il pensa à Saussier.

Ce grand chef se déroba toujours devant les responsabilités. Il avait refusé à Grévy, dans une heure difficile, de remplacer Boulanger, bien qu’il le redoutât autant pour l’armée que pour la liberté, et sans autre excuse que sa paresse, qui était célèbre. Il avait, cette fois, un prétexte spécieux, son rôle au début du procès d’Esterhazy, et une raison solide dont il ne dit rien, sa crainte de Drumont. Brisson, qui n’était pas informé, perdit encore une journée à le faire chercher par Bourgeois à la campagne, d’où il consentit à venir à Paris, mais pour décliner de réconcilier l’armée avec la justice et d’illustrer la fin de sa vie[2]. (5 septembre.)

  1. Souvenirs de Brisson (Siècle du 18 mai 1903).
  2. « Saussier a refusé de se faire naturaliser allemand ; c’est un scrupule qui l’honore. » Intransigeant.)