Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
236
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


s’il consentait à la Revision. C’était centupler les avantages que se croyait Cavaignac et qui n’étaient, d’ailleurs, que trop réels. On peut croire qu’il eut quelque peine à contenir sa joie. Il devait au moins des égards à l’honnête homme, brisé par tant d’émotions, qui lui témoignait une si naïve confiance. Au contraire, il déclara durement qu’il n’était pas seulement décidé à se retirer, mais à le faire savoir tout de suite, c’est-à-dire à sonner le ralliement des troupes débandées depuis le drame du Mont-Valérien, à leur donner un drapeau et à s’offrir comme chef. Tout ce que Brisson put obtenir de lui, c’est qu’il attendrait jusqu’au soir[1].

Deux heures après, il envoya, publia en même temps sa lettre de démission : « Je demeure convaincu de la culpabilité de Dreyfus[2]. »

III

Félix Faure était reparti pour Le Havre, au lendemain de la mort d’Henry. Il aimait cette ville, où il avait fait sa carrière et qui était fière de lui ; la campagne giboyeuse où il se retrouvait avec les camarades d’au-

  1. Souvenirs : « J’essayai de toutes les façons de le retenir », etc.
  2. La lettre de démission, la seule qui fût publiée, était accompagnée d’une seconde où Cavaignac expliquait pourquoi il ne pouvait pas « ajourner la publication de sa décision. D’une part, des faits nouveaux peuvent surgir à chaque instant, auxquels je ne serais plus en mesure, dans la situation actuelle, de faire face. De l’autre, je ne puis penser, après ce que vous avez bien voulu me dire, que, même en présence d’une décision du Conseil des ministres, vous puissiez consentir à vous opposer à la Revision. »