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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Drumont et Rochefort, mais qui balbutiaient, trébuchaient[1] ; — et ce qui n’était pas moins significatif, nombre de députés, les uns parce que le vent tournait, les autres qui avaient souffert à étouffer dans le mensonge et, décidés, s’il fallait encore se battre, à se battre cette fois du bon côté[2] ; et Méline lui-même[3], tout en grondant qu’on n’en serait pas là si Cavaignac s’en fût tenu, comme Billot, à la chose jugée[4].

De même l’armée. Son premier cri, sauf de quelques camarades du faussaire et de quelques forcenés, fut celui qu’on devait attendre. À Compiègne, un des juges de Dreyfus, Gallet, dit tout haut que ses yeux s’étaient

  1. Libre Parole : « Si ce malheureux Henry avait voulu servir les dreyfusards, il n’aurait pu employer de moyen meilleur… C’était à la fois imbécile et coupable… Qu’ils revisent ou ne revisent pas, la chose, au point où nous en sommes, n’est pas faite pour nous émouvoir. » Rochefort trouve « la faute d’Henry incompréhensible, puisqu’elle ne pouvait influer sur la condamnation d’un traître déjà condamné ». Les autres pièces du dossier sont « d’une authenticité absolue, car l’exception confirme la règle ». Son beau-frère Vervoort : « Henry représentait le type de l’honneur militaire. » (31 août.) Le lendemain. Rochefort déclare que « le crime d’Henry est à la fois odieux et stupide ».
  2. Notamment Viviani, Millerand, Clovis Hugues, Camille Pelletan, André Berthelot. — Mirman, député de Reims, l’un de ceux qui avaient proposé l’affichage du discours de Cavaignac, lui écrivit qu’il l’interpellerait à la rentrée : « Sur toutes les communes de France, un faux abominable est encore affiché de par notre faute à tous. La vérité, ainsi souffletée, exige une réparation ; il la lui faut éclatante. » (1er  septembre 1898.) Un autre ancien boulangiste, Gauthier (de Clagny), dit à un rédacteur du Jour : « C’est la revision fatale. » (2 septembre.) — Plusieurs conseils généraux étaient encore réunis : « On n’a plus eu à enregistrer aucun vœu contre la campagne revisionniste ; on peut juger par là du revirement qui s’est produit en province comme à Paris. » (Courrier du Soir du 2.)
  3. Chambre des députés, séance du 20 janvier 1899.
  4. République française du 1er  septembre 1898. — De même Thiébaud (Éclair du 4) et Cassagnac (Autorité du 8).