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BRISSON


de Dreyfus ne serait pas revisé, parce qu’il assurait dans le quartier que ce serait la guerre ».

Il n’agit pas, parce qu’il n’était pas homme d’action ; il supposait aussi que cet immense raz de marée des consciences n’aurait pas de reflux.

Tout de suite, ceux des journaux républicains qui ne s’étaient pas encore prononcés se déclarèrent pour la Revision[1] ; les principaux journaux catholiques et nationalistes l’acceptèrent, ou cessèrent de la repousser, ménageant seulement les transitions[2] — sauf

  1. Temps, Journal des Débats, Figaro, Matin, Liberté, Petit Parisien, Lanterne, Paris du 1er septembre 1898.
  2. Autorité, Écho de Paris, Gaulois, Petit Journal, Presse, Éclair, Univers, Soleil du 1er et du 2 septembre. « Le procès de Dreyfus est à recommencer, écrit Cassagnac, et ce procès ne peut plus avoir lieu dans une cave. On veut tout connaître : si le général Mercier a violé la loi… Si Dreyfus est coupable, on le renverra là-bas, c’est tout ce qu’on risque en somme… la Revision est l’unique, l’inéluctable solution. Sans la revision, l’affaire est sans issue ; c’est l’enlisement dans la boue. » L’Écho : « Tout est changé. La revision s’impose. Elle est désirée par un grand nombre d’officiers — nous le savons — et non des moindres… Le Gouvernement peut, en quelques semaines, en finir avec cette malheureuse affaire. L’abcès a crevé. S’il faut trancher dans le vif, on le fera. Les plaies franches sont vites guéries. » Judet : « Ou la revision rapide ou des poursuites immédiates » contre le Syndicat. Robert Mitchell accepte la revision si l’armée la réclame (comme dit l’Écho). Alphonse Humbert : « Toute la documentation émanée d’Henry ou ayant seulement passé par ses mains est suspecte. » Pierre Veuillot : « On a beau dire que Dreyfus a été bien jugé ; maintenant un doute pénètre dans les cerveaux et dans les cœurs d’un grand nombre ; il y a une maille rompue. » La Presse : « Mieux vaut une revision provoquée par le Gouvernement, acceptée par lui carrément que la revision arrachée tardivement au scrupule des juristes, par l’intérêt d’un particulier. » Hervé de Kérohant : « Il faut en finir et par un jugement rendu cette fois en pleine lumière, avec toutes les garanties qu’un accusé doit avoir dans les pays libres. » Francis Charmes, dans la Revue des Deux-Mondes : « Si on voit un autre moyen de faire cesser l’agitation, nous serions heureux de le connaître. Quant à nous, nous n’en voyons pas. »