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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


été assassiné[1]. Il insiste. Enfin, un autre officier, appelé par son camarade, lui annonce le suicide d’Henry ; puis Zurlinden lui-même le lui confirme : « J’ai une horrible nouvelle à annoncer…[2] ».

Le général venait de l’apprendre. Il avait d’abord téléphoné au ministère de la Guerre. On lui avait répondu que Cavaignac était au ministère de l’Intérieur[3].

Quelques instants après, Cavaignac y arriva, en effet, pour aviser Brisson qu’il consentait enfin au remplacement de Boisdeffre, non pas par mesure disciplinaire, mais parce que le général, se jugeant lui-même, avait persisté à maintenir sa démission. Cavaignac l’avait prié à nouveau[4] de présider aux répressions nécessaires. Boisdeffre s’y était refusé, ignorant encore que le rasoir d’Henry allait trancher la question.

Aux premiers mots, Brisson interrompit Cavaignac : « Mais ne savez-vous pas que le colonel Henry s’est suicidé ? — Ah ! il s’est suicidé ? — Oui, et c’est une source de vérité qui se tarit pour nous[5]. »

Ce fut tout.

Depuis la veille, Esterhazy aurait dû être sous les verrous, les scellés apposés chez Henry. Il l’eût fallu

  1. Souvenirs de Brisson : « Entre 7 heures et demie et 9 heures, un bicycliste a trois ou quatre fois le temps de venir du Mont-Valérien. »
  2. Note de Brisson du soir même, 31 août 1898, et Zurlinden, Ma Réponse aux Souvenirs de M. Brisson, dans le Gaulois du 23 mai 1903.
  3. Zurlinden, Ma Réponse.
  4. « Paris, 31 août : Mon cher général, il me paraît nécessaire que vous présidiez, vous-même à la répression des actes qui ont entraîné l’erreur commise par vous dans votre loyauté. C’est seulement ensuite, si vous persistez, dans votre intention, que je pourrai résoudre la question que vous me soumettez. Agréez, je vous prie, l’assurance de mes sentiments affectueux. Cavaignac. »
  5. Note de Brisson du 31 août 1898.