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LA MORT D’HENRY


bec de flûte, la paroi postérieure intacte, la section du côté droit saccadée, la jugulaire entamée, moins que l’autre, comme sciée, les carotides intactes. Il tenait le rasoir de la main gauche. La main retomba sur le bord du lit, le rasoir se ferma, soit automatiquement, soit par quelque choc — ou, plutôt, mécaniquement, il le ferma lui-même. — Brierre de Boismont cite l’exemple de deux hommes qui eurent la force, après s’être coupé le cou devant la glace de leur cheminée, de faire un assez long trajet, en s’accrochant aux meubles et inondant tout l’appartement, de leur sang, pour aller regagner leur lit, s’y étendre et mourir. Un autre, après s’être fait une blessure au front, avoir divisé la carotide de droite, tranché l’artère crurale et le pli du bras, tomba par terre, se releva et s’élança de la fenêtre dans la rue[1].

Un jet énorme de sang jaillit, ses mains, ses manches, le drap et le matelas en furent inondés, toute la chambre. Il se vida complètement.

C’était une manière de colosse. La mort fut lente à venir, certainement un quart d’heure[2].

    aurait dit : « J’ai fort à faire, j’ai beaucoup à écrire ; priez donc qu’on me laisse tranquille. » (Matin du 2 septembre 1898, etc.) Aucune des pièces officielles ne signale cet incident, mais il est exact, comme je l’ai raconté, que Fête entra, un peu (dus tôt, vers une heure, dans la cellule d’Henry, et le trouva, assis devant sa table, à écrire.

  1. Du Suicide, 541, 542. — Beaucoup de médecins ont observé ou connu des cas analogues. — Voir dans Quinze ans de haute police, par Desmarest, le récit de la mort du capitaine anglais Wright au Temple, le 26 octobre 1805 : « On le trouva mort étendu dans son lit, ayant la gorge coupée, son rasoir ensanglanté dans la main, et, sur la table, le Moniteur de la veille, contenant la capitulation d’Ulm » (140). Sidney, Smith et les royalistes accusèrent Napoléon d’avoir fait assassiner Wright par le duc de Rovigo.
  2. Note du docteur Léon Levy.