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CHAPITRE II

LA MORT D’HENRY

I

Le 13 août au soir, — le lendemain du jour où Esterhazy avait été mis en liberté et le surlendemain de celui où Cavaignac avait proposé de jeter en prison les défenseurs de Dreyfus, — le capitaine Cuignet travaillait dans son bureau à l’État-Major. Poursuivant son examen très consciencieux des pièces des dossiers secrets, qu’il étudiait, tournait et retournait une à une, il était arrivé à la lettre de Panizzardi que le ministre avait lue à la Chambre. Il s’attendait à trouver cette pièce bonne entre les meilleures. Il était tard, près de dix heures. En plaçant la lettre sous la lumière de la lampe, il aperçut à sa stupeur que les quadrillés du papier étaient de deux teintes différentes, l’en-tête et la signature sur des fragments carrelés en gris bleuté, le corps de la lettre sur des fragments carrelés en violet pâle[1]. Ainsi la lettre avait été fabriquée avec des morceaux de deux lettres différentes : elle était fausse.

  1. Voir t. II, 410 et suiv.