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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


laissé plus longtemps l’insensé à la tête de l’armée. Il n’eût pu le faire sans provoquer une crise, où Faure certainement aurait été avec Cavaignac, et il n’était pas sûr lui-même qu’il n’y avait pas de « Syndicat ».

XVI

Pendant que ces incidents, dont la plupart n’ont été connus que plus tard, se succédaient, d’autres se produisaient au grand jour, entretenaient la fièvre des esprits parmi le feu croisé des polémiques de presse.

Rien ne peut rendre la passion, l’énervement des combattants pendant ces brûlantes semaines d’été où les revisionnistes s’exaltaient à mesure que grandissait le péril, tandis que, dans l’autre camp, l’irritation allait croissant contre ces perturbateurs infatigables de la paix publique.

Révoltés pour la justice, ils avaient pris l’habitude de vivre dans l’injustice, s’étonnaient seulement quand une journée s’écoulait sans qu’un des leurs eût été frappé. Ils avaient comme l’instinct que le mensonge s’usait, que la vérité, hier encore trop verte, mûrissait vite.

Si Brisson se refusait à « fructidoriser » les défenseurs de Dreyfus, par contre il trouvait fort bon de tâcher à les intimider.

Les meilleurs ont reçu une si mauvaise éducation politique, ou morale, qu’ils n’aiment la liberté que pour eux. Les abus de pouvoir, quand ils les commettent, les grandissent à leurs propres yeux, les haussent au niveau des despotes ou des tyranneaux dont ils ont eux-