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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pliqués les directeurs de journaux et les auteurs des articles ». En d’autres termes, dessaisir les juridictions de droit commun (cour d’assises et tribunal correctionnel), bien que « le terrain » en fût « solide », et « évoquer devant le Sénat » ces diverses affaires.

2° Poursuivre devant la Haute Cour les mêmes faits, « parfaitement précis et déterminés et tombant sous l’application des lois pénales », mais en les qualifiant autrement, de termes plus gros, par exemple d’attentat ou de complot « contre l’autorité constitutionnelle », ou, mieux, d’attentat ou de complot « en vue d’exciter la guerre civile en armant ou en portant les citoyens ou habitants à s’armer les uns contre les autres ».

Nécessairement, le second système avait les préférences de Cavaignac, parce que le premier, bien qu’il donnât déjà « plus de solennité aux poursuites », « manquait d’ampleur », aurait pour unique résultat « de trancher les incidents de procédure », et n’aboutirait qu’à une condamnation « à quelques années de prison ».

Il ne doutait pas que « l’instruction établirait sans peine les manœuvres concertées qui relient ces différents délits et dont quelques éléments étaient déjà entre ses mains ». Toujours méticuleux, il indiqua les articles du Code à viser par le décret qui convoquerait la Haute Cour.

On était à la veille des fêtes de l’Assomption ; Faure, en villégiature au Havre, devait revenir la semaine d’après pour présider le Conseil. La névrose opéra avec tant de violence qu’il ne put se résigner à attendre ces quelques jours ; Fabre dans l’intervalle n’aurait qu’à rendre son ordonnance qui lui enlèverait deux de ses principales victimes. Brisson, le 11 août, ayant réuni les ministres à dîner, dès qu’on en fut au café, Cavaignac sortit sa note, en donna lecture.