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LIVRE Ier.

— Des animaux tu me fis roi,
Tu m’as confié ta puissance ;
Tu souffres qu’Esope m’offense,
Moi, l’exécuteur de ta loi ?
Sans raison j’ôterais la vie
Aux vils troupeaux de la prairie !
Je m’en rapporte au tigre, à l’ours ;
Ne suis-je pas juste ? — Toujours,
Toujours dit la gent carnassière
Thémis fait ta règle première ;
Qui t’accuse est mal avisé.
– Eh ne suis-je pas sa victime ?
Cria le loup : est-il un crime
Qu’Esope ne m’ait supposé ?
Moi, qui vis en anachorète !…
Renard s’avance, et d’un ton doux :
– Jupiter ma bouche est muette,
Quand je puis montrer du courroux ;
Je suis fourbe, j’ai tous les vices,
Moi qui suis simple et sans malices !
Qui toujours conseille et défends
Les opprimés et les absens !
L’œil mobile, agitant sa tête,
Vint la Pierrette en minaudant :
— Et moi, moi qui suis chaste, honnête !
Si vous en croyez ce méchant,