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ne peuvent pas devenir capables de remplir des emplois légalement ouverts aux membres les plus stupides et les plus vils de l’autre sexe, ou bien que, malgré leur aptitude, ces emplois leur seront fermés et réservés exclusivement aux individus mâles. Dans les deux derniers siècles, on ne songeait guère à invoquer d’autre raison que le fait même pour justifier l’incapacité légale des femmes, et on ne l’attribuait pas à une infériorité d’intelligence, à laquelle personne ne croyait réellement, à une époque où les luttes de la vie publique mettaient la capacité des gens à une épreuve dont les femmes n’étaient pas toutes exclues. La raison qu’on donnait alors n’était pas l’inaptitude des femmes, mais l’intérêt de la société, c’est-à-dire l’intérêt des hommes ; de même que la raison d’État voulait dire alors les convenances du gouvernement et le soutien des autorités existantes, et suffisait pour expliquer et excuser les crimes les plus horribles. De nos jours le pouvoir tient un langage plus bénin, et quand il opprime quelqu’un il prétend toujours que c’est pour lui faire du bien. C’est en vertu de ce changement que, lorsqu’on interdit une chose aux femmes, on croit bon d’affirmer, et nécessaire de croire, qu’en y aspirant, elles sortent de la véritable voie du bonheur. Pour que cette raison fût plausible (je ne dirai pas bonne), il faudrait que ceux qui la mettent en avant allassent plus