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avec exactitude la fréquence épouvantable de crimes un peu moins atroces. Les démons sont aussi rares dans l’espèce humaine que les anges, plus rares peut-être ; mais il est très fréquent de voir des sauvages féroces susceptibles d’accès d’humanité ; et dans l’intervalle qui les sépare des nobles représentants du genre humain, que de formes, que de degrés dans la bestialité et l’égoïsme se cachent souvent sous un vernis de civilisation et de culture ! Les individus y vivent en paix avec la loi ; ils s’offrent sous des dehors honorables à tous ceux qui ne sont pas en leur pouvoir ; ils ont pourtant assez de méchanceté pour rendre à ceux qui y sont la vie insupportable. Il serait fastidieux de répéter les lieux communs qu’on a débités sur l’incapacité des hommes en général pour l’exercice du pouvoir : après des siècles de discussions politiques, tout le monde les sait par cœur, mais presque personne ne songe à appliquer ces maximes au cas où plus qu’à tous les autres elles conviennent, à un pouvoir qui n’est pas confié aux mains d’un ou de plusieurs hommes, mais qui est livré à tout adulte du sexe masculin, jusqu’au plus vil et au plus féroce. De ce qu’un homme n’est pas connu pour avoir violé un des dix commandements, ou qu’il jouit d’une bonne réputation parmi ceux qu’il ne peut contraindre à avoir des relations avec lui, ou qu’il ne s’échappe pas en violents éclats