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le robinson suisse.

qui sont dans leurs fusils par de la grosse cendrée ; puis ils tireront d’en bas, et n’atteindront pas plus haut que les premières branches.

moi. — Tes réflexions ne manquent pas de justesse ; tu agis toujours avec calcul et connaissance de cause ; mais sache, mon ami, qu’il se rencontre dans la vie bien des circonstances où il faut prendre une résolution subite, sans différer d’un instant. Que ferais-tu, par exemple, si, tout à coup, un ours s’élançait vers nous ?

ernest. — Ma foi, je crois que je me sauverais au plus vite.

moi. — Au moins tu parles avec franchise ; mais crois-tu que l’ours ne serait pas meilleur coureur que toi, et ne te rattraperait pas bientôt ?

ernest. — Eh bien, je l’attendrais sans trembler en lui présentant le canon de mon fusil.

moi. — Tu agirais d’une manière imprudente ; de loin tu pourrais ne le blesser que légèrement ; de près, si ton fusil ratait, tu serais perdu.

ernest. — Je me coucherais par terre et ferais le mort, laissant l’ours me retourner tout à son aise.

moi. — Mauvais expédient : les ours s’attaquent aux morts comme aux vivants. Le meilleur parti, selon moi, serait de se retrancher derrière l’âne, que nous abandonnerions à la voracité de l’ours ; ainsi nous aurions le temps de fuir ou de tirer à coup sûr. »

Cependant nous arrivâmes au rivage sans avoir rencontré cet ours contre lequel nous formions de si beaux plans de campagne.

Il ne me fut pas difficile de trouver les pièces de bois dont j’avais besoin ; je les attachai en travers sur une large planche que l’âne traînait au moyen de deux cordes, et, pour compléter mon chargement, je mis au milieu une petite caisse trouvée dans le sable.

Mon fils conduisait l’animal par la bride tandis que, resté