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le robinson suisse.

par la promptitude avec laquelle, après avoir prononcé ce discours, il retourna à l’île du Requin, prit François dans son caïak, et se retrouva à côté de nous avant que nous eussions complété notre débarquement. Mais, lorsque enfin nous fûmes tous à terre et que nous nous avançâmes vers notre maison si agréablement située et si richement ombragée, comme dans le plus beau jardin anglais, tandis que les fleurs les plus brillantes, les odeurs les plus suaves charmaient nos sens et que les oiseaux de notre basse-cour nous entouraient en gloussant et en caquetant, alors Jenny fut saisie d’une si vive émotion, qu’elle ne put exprimer par des paroles tout ce qu’elle sentait. Quant à nous, il nous semblait que nos richesses étaient doublées, et, pour la première fois, nous sentîmes jusqu’à quel point il est vrai que de donner rend plus heureux que de recevoir.

Dans la fraîche galerie qui régnait le long de la maison et en face de la principale entrée, nous fûmes agréablement surpris de voir une table sur laquelle on avait étalé tous les objets que nous possédions, vieux et neufs, de fabrique européenne ou faits par nous. De la porcelaine de Felsheim, des vases de bambou, des assiettes de noix de coco, des coupes d’œufs d’autruche, se montraient à côté de verres, de bouteilles et de vaisselle trouvés dans le bâtiment naufragé. L’effet de cet étalage était rendu beaucoup plus piquant par des oiseaux empaillés, tirés de notre musée, et qui, suspendus à une ficelle, semblaient voltiger sur la table. Enfin, un grand tableau couronné de fleurs s’élevait au-dessus, et l’on y lisait ces mots en lettres rouges : « Vive miss Jenny Montrose ! Bénie soit son arrivée dans la demeure du Robinson suisse ! »

Du reste, les vases étalés sur cette table n’étaient pas vides : ils contenaient, au contraire, les mets les plus délicats qu’on avait pu rassembler en si peu de temps. De l’hydromel, du vin des Canaries et de la crème invitaient à étancher sa soif ; des fruits de toute espèce se montraient en brillantes