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le robinson suisse.

blessé, et qu’il lui avait renvoyé avec la réponse à son billet, réponse qui ne lui parvint pas.

Telle fut, à peu près, la narration de notre jeune amie ; elle nous intéressa tous vivement. Nous nous fîmes part mutuellement des observations qu’elle nous suggéra ; et, après que l’entretien se fut prolongé pendant quelque temps, nous retournâmes à nos travaux. Ma provision de chaux fut achevée avant la nuit, et le nombre de tonneaux d’écorce se trouva suffisant pour tout contenir. Nous restâmes pourtant encore huit jours en ce lieu, parce que je désirais rassembler et sécher autant de plantes à soude qu’il nous serait possible ; je comptais, plus tard, en fabriquer du savon. Je fis même, avec une petite quantité de soude, une épreuve qui me réussit parfaitement ; car les plantes réduites en cendres fournirent au moins deux livres de cette matière d’où l’on tire l’alcali purifié.

Pendant ce temps, j’eus occasion de remarquer combien Fritz était attentif pour Jenny et avec quel plaisir il lui rendait toutes sortes de services ; mais je vis aussi plusieurs fois combien il était jaloux des marques d’amitié que lui donnaient ses frères et des moindres paroles,de bienveillance qu’elle leur adressait. Je crus, d’après cela, devoir sur-le-champ prendre mes mesures pour prévenir toute dissension entre eux. Je désirais vivement unir un jour Jenny et Fritz ; mais je voulais gagner du temps, d’autant plus que je ne me croyais pas le droit de disposer seul de l’avenir de cette jeune personne. En conséquence, la matinée de notre départ pour Felsheim, avant de nous mettre en route, je prononçai avec une grande solennité le discours suivant, au milieu de ma famille assemblée :

« Voici, mes chers amis, que nous nous apprêtons à retourner dans nos foyers. Là, je désire que la fille que Dieu nous a donnée passe en pleine liberté une année d’épreuve, au bout de laquelle elle décidera si elle veut continuer à demeurer avec nous, ou bien si elle préfère se retirer dans une