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le robinson suisse.

où sa fille n’avait pu être admise, il s’était vu obligé de chercher pour elle un autre passage, et il la confia, ainsi que sa femme de chambre, à son ami le capitaine Greenfield. Jenny, qui avait alors dix-sept ans, partit deux jours avant son père par la corvette la Dorcas. Après deux semaines d’heureuse traversée, le bâtiment fut surpris par d’affreuses tempêtes, après lesquelles une frégate française vint lui donner la chasse et le força de se réfugier dans le port de Batavia, possédé à cette époque par l’Angleterre. À peine avait-il repris la mer, que de nouvelles tempêtes l’assaillirent et se prolongèrent pendant près de quinze jours. Arrivée devant une côte inconnue, la corvette se brisa contre des écueils, et l’équipage n’eut que le temps de se jeter dans les deux chaloupes. Jenny descendit dans la plus petite, qui chavira, et, de tous ceux qui la montaient, Jenny seule se sauva. Au sortir d’un long évanouissement, elle se trouva au pied d’un rocher escarpé, et dans un danger imminent d’être entraînée à la mer par la première vague qui monterait jusqu’à elle. Il lui fut impossible d’avoir le moindre renseignement sur ce qu’étaient devenus le capitaine Greenfield et la grande chaloupe. Pendant deux jours, la pauvre enfant resta là dans un si grand état d’épuisement, qu’elle ne se rendait pas même compte de l’étendue de son malheur. Quand la connaissance lui fut un peu revenue, elle se traîna péniblement vers une grotte, où elle fut du moins à l’abri des flots de la mer, et elle s’y endormit d’un lourd sommeil, ne se réveillant qu’à de courts intervalles. Elle n’eut d’abord pour nourriture que quelques œufs d’oiseaux qu’elle trouva dans les creux des rochers.

Le troisième jour, enfin, le calme se rétablit en mer et Jenny devint elle-même plus tranquille. Elle se flatta que quelques hommes de l’équipage se seraient sauvés comme elle ; et afin qu’ils la découvrissent plus facilement, elle crut ne pouvoir mieux faire que d’allumer sur-le-champ un grand feu. En s’embarquant, elle avait pris le costume d’un aspirant de marine, de sorte qu’elle avait sur elle un briquet et tout