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le robinson suisse.

C’était lui en effet. Il arriva, s’élança sur notre pont, où nous l’entourâmes tous, l’embrassant, le félicitant, lui serrant les mains. J’ai dit tous… mais non : sa mère seule demeurait immobile ; des larmes de joie coulaient de ses yeux, et ce ne fut qu’après quelques minutes de silence qu’elle recouvra assez de sang-froid pour presser à son tour son fils sur son cœur.

Aussitôt que nous pûmes laisser à Fritz un peu de liberté, il promit de nous expliquer en détail l’espèce de mystère qui avait accompagné son retour ; mais on l’accabla de tant de questions, qu’il lui fut impossible de mettre aucun ordre dans ses réponses. Aussi ne fut-ce qu’au bout de quelque temps que je parvins, après l’avoir tiré à part, à lui demander d’abord s’il avait réussi dans le but de son voyage, et ensuite pourquoi il s’était pendant si longtemps moqué de nous.

« Quant au premier point, me répondit Fritz, je puis vous dire que j’ai, grâce au ciel, parfaitement réussi ; et, quant au second, je vous avouerai franchement que je vous prenais pour des pirates malais, et que je voulais vous effrayer en vous faisant croire que je n’étais pas seul. »

J’aurais bien désiré continuer sur-le-champ d’adresser mes questions au brave jeune homme ; mais ma femme, étouffant ma curiosité, voulait que Fritz commençât par laver sa figure toute noircie qui nous l’avait fait prendre pour un nègre. Lorsque sa couleur naturelle fut revenue, je me disposais à poursuivre mon interrogatoire, quand il me prévint en me demandant pourquoi nous avions tiré tant de coups de canon. Je lui racontai les détails de notre aventure avec le cachalot. Mais nous n’avions pas de temps à perdre : la marée montait avec tant de force, qu’il nous fallait chercher un mouillage sûr pour ne pas être jetés avec violence contre la côte. Fritz nous indiqua une petite île en me disant tout bas que c’était là qu’il avait déposé l’Anglaise naufragée.

Il s’était remis dans son canot et nous précédait pour