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le robinson suisse.

pressées de mes fils : c était bien certainement un cachalot que nous avions tué.

Comme nous commencions à nous livrer à la joie du triomphe, notre attention fut soudain attirée vers un objet qui nous menaçait d’un danger bien plus grand que celui auquel nous venions d’échapper. Je crus voir assez distinctement, quoique à une fort grande distance, un sauvage dans un canot, qui tantôt s’arrêtait pour nous examiner, tantôt se cachait derrière les avances des rochers de la côte, manœuvre qu’il réitéra à plusieurs reprises. Cette apparition m’inquiéta plus que je ne jugeai convenable de le dire. Je commandai de recharger nos canons, de mettre toutes nos armes en état, et de former, avec les tiges de maïs que j’avais apportées pour faire de la potasse, une espèce de parapet qui pût nous mettre à l’abri des flèches, des javelots et des frondes.

Tenant toujours l’œil attaché sur la place où le canot avait disparu pour la dernière fois, j’en vis un autre sortir d’une anse et qui ne me sembla pas être le même. Il se cacha à son tour, et un troisième se fit voir. Je pris alors le porte-voix et adressai aux inconnus quelques questions en langue malaise ; mais je ne reçus aucune réponse, et Jack me dit que je ferais peut-être mieux de proférer quelques mots anglais. Il exécuta lui-même ce qu’il m’avait proposé.

Le premier sauvage reparut alors dans son canot, tenant à la main un rameau vert et se dirigea sur nous en droite ligne. Je ne doutai pas que cette nouvelle manœuvre ne fût la suite de l’idée qui était venue à Jack, et j’attendais avec une vive curiosité l’arrivée de l’étranger. À mesure qu’il s’approchait de nous, il faisait les mines les plus étranges : il nous montrait les dents en riant, nous envoyait des baisers et faisait des gestes des plus comiques avec ses mains et ses bras.

Tout à coup un cri général s’éleva parmi nous :

« Mais c’est là Fritz ! c’est vraiment lui ! Pourquoi donc se moque-t-il ainsi de nous ? »