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le robinson suisse.

le chacal et les chiens accourir en toute hâte auprès de notre feu. Knips fit une terrible grimace quand il s’aperçut que nous nous étions embarqués sans lui. Il s’assit sur la table que nous avions dressée pour le souper, et tint des regards inquiets fixés sur l’intérieur des terres. Il tremblait de tous ses membres et ne cessait de se gratter. Le chacal et les chiens s’assirent, au contraire, par terre derrière le feu, regardant du même côté que le singe, et faisant entendre alternativement des aboiements de colère et des hurlements d’effroi.

Cependant les rugissements devenaient toujours plus fréquents et semblaient se rapprocher. Je crus les entendre du côté de notre champ de bataille. Je m’imaginai alors que c’étaient des léopards ou des panthères, qui, attirés de ce côté par l’odeur du sanglier mort, avaient forcé nos quatre compagnons à une retraite si précipitée. Mais bientôt nous aperçûmes, à la faible lueur que jetait au loin notre feu, un animal monstrueux, s’avançant par bonds rapides, et qu’à ses rugissements plus distincts et à sa forme nous reconnûmes pour être un lion, mais d’une taille telle, que jamais on n’en a vu de semblable en Europe dans aucune ménagerie. Notre feu semblait exciter sa colère. Il s’assit comme un chat sur ses pattes de derrière, et jeta, tantôt sur nos chiens, tantôt sur la hure, des regards où la rage et la faim se peignaient à la fois. Il frappait avec force la terre à coups de queue, et tous ses mouvements indiquaient les désirs avides dont il était animé.

Le roi des forêts daigna, au bout de quelque temps, se relever avec majesté, et se mit à marcher lentement. Il rugit encore, mais son rugissement était moins plein, plus criard, et exprimait du dépit plutôt que de la fureur. Il se rendait souvent au bord du ruisseau pour rafraîchir sa gueule altérée ; puis il revenait avec une promptitude qui me faisait craindre, à chaque fois, qu’il ne se décidât à une attaque. Je crus remarquer aussi que les cercles qu’il décrivait devenaient de