CHAPITRE XL
Un jour que le vent nous était très-favorable, nous appareillâmes pleins d’espérance, et nous partîmes accompagnés des vœux de ma femme et de François. Nous emmenions avec nous le jeune Knips, singe que nous avions apprivoisé après la mort du vieux ; le chacal de Jack, qui commençait à vieillir, le chien Bill, qui se trouvait dans le même cas, et les deux jeunes chiens Braun et Falb, devenus alors si vigoureux, qu’ils pouvaient se comparer à ceux que le roi indien Porus offrit à Alexandre le Grand, et qui, dit-on, étaient assez forts pour tenir tête à des lions et à des éléphants.
Jack insista pour partir avec son frère Fritz ; il se plaça dans le nouveau trou que celui-ci avait pratiqué dans son caïak ; ils devaient nous servir de pilotes, et reconnaître pour nous les passages les plus sûrs entre les écueils. Sous leur direction, nous ne craignîmes pas de nous aventurer dans les rochers des Lamantins, où les brisants présentaient en plus d’un endroit l’aspect le plus menaçant. Ils nous servirent de guides avec une prudence consommée, au point que je me décidai même à hisser une voile. Dans notre traversée, nous vîmes sur plusieurs rochers tantôt des dents, tantôt des squelettes tout entiers de lamantins ; mais nous n’avions pas alors de temps à perdre, et il fallut remettre à une autre fois le soin d’en faire une récolte. Arrivés dans les eaux tranquilles de la grande baie, nous trouvâmes une mer qui brillait comme un miroir, et sur sa surface d’élégants nautiles