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le robinson suisse.

demie que je me vis hors de leur atteinte ; je passai sous une immense arche assez semblable par sa forme à un arceau de nos vieilles cathédrales gothiques, mais plus majestueuse, plus haute, et taillée dans le roc par la main puissante de la nature. En dedans de cette porte, je vis un nombre incalculable de nids d’hirondelles, placés de manière à être complètement à l’abri de la pluie. Dès que je fus sous la voûte, ces hirondelles volèrent par centaines autour de moi sans m’inspirer beaucoup d’effroi. Elles étaient tout au plus grosses comme des roitelets, avec des ailes d’un gris clair, les plumes du dos et de la queue plus foncées, le ventre d’une blancheur éblouissante. Je ne pourrais vous mieux comparer leurs nids qu’à des cuillers sans manche et collées par derrière contre une pierre. Ils me parurent d’abord faits de cire et excitèrent ma curiosité ; j’en pris quelques-uns, et, en les examinant de plus près, je crus qu’ils étaient composés de plusieurs couches de colle de poisson desséchée. J’en ai donc gardé plusieurs pour vous les montrer. Peut-être nous seront-ils de quelque utilité.

moi. — Je te loue de ta conduite en cette occasion, mon ami, et je te loue d’autant plus que tu as épargné ces oiseaux industrieux. Tes nids sont précieux, et nous pourrions en tirer un très-bon parti si nous étions en relation commerciale avec les Chinois, qui les achètent fort cher, et les regardent comme un mets excellent, surtout accommodés avec des épices.

ma femme. — Comme la gourmandise des hommes est ingénieuse ! Je ne m’étonnerais pas si, un jour, quelque habile cuisinier trouvait le moyen de faire un plat de choix avec des copeaux de bois, pourvu qu’il y ajoutât une centaine de divers ingrédients.

moi. — Autrefois on vantait beaucoup, comme un mets savoureux, les nageoires de requin. Mais tu devrais bien nous accommoder un nid de ces hirondelles, pour que nous jugions par nous-mêmes si les Chinois ont tort ou raison de les estimer.