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le robinson suisse.

mais nous étions obligés de les jeter à l’eau, car sans cette mesure nous aurions fini par être dévorés par nos défenseurs. Nous ne conservâmes qu’un seul chien que Jack voulut appeler Coco, parce que, disait-il, l’o était la voyelle la plus sonore de l’alphabet, et que, par conséquent, ce nom s’entendrait de bien plus loin quand on le ferait retentir dans la forêt. Le buffle et la vache nous donnèrent aussi annuellement un petit, mais nous n’élevâmes qu’un taureau et une génisse, que nous appelâmes Tonnerre et Blonde. Outre l’ânon nommé Léger dont j’ai déjà parlé plus haut, nous en eûmes un second que l’on appela Flèche, dans la pensée qu’il justifierait par sa rapidité à la course cette belle dénomination.

Nos cochons s’étaient accrus également, mais chaque jour ils devenaient plus sauvages. Aussi nous les chassions sans crainte de voir s’éteindre leur race, qui tous les ans s’augmentait de nouvelles portées de petits marcassins. Les lapins musqués de l’île de la Baleine avaient tellement peuplé leur résidence, que nous étions obligés d’en tuer un grand nombre pour que l’île pût suffire à les nourrir. Leur peau nous servait à nous faire des chapeaux, et leur chair, qui avait conservé le goût et l’odeur du musc, devenait le régal de nos chiens.

Quant aux antilopes, nous eûmes bien de la peine à les apprivoiser un peu. Le climat de l’île du Requin, à cause de la position de celle-ci au milieu de la mer, était trop rude pour ces gracieux animaux ; aussi ne prospéraient-ils pas dans la même proportion que nos autres bêtes ; nous en transportâmes un ou deux couples naissants à Felsheim, où ils furent l’objet de nos soins les plus assidus. Ils se familiarisèrent avec nous, sans cependant arriver jamais à une docilité semblable à celle de nos animaux domestiques, mais nous ne les conservions auprès de nous que pour avoir le plaisir de les regarder, sans chercher à les utiliser autrement.