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le robinson suisse.

les prunes, les cerises, les abricots, ne présentaient guère qu’un noyau à peine couvert d’une chair fade et insipide. Si nous continuions à les cultiver, c’était uniquement parce qu’ils nous rappelaient la patrie, car ils ne nous servaient désormais à rien ; nous étions, du reste, amplement dédommagés par les ananas, les oranges, les figues, les citrons, les pistaches, dont chaque année nous faisions une abondante récolte.

Cette grande quantité de fruits nous attira, il est vrai, la visite de beaucoup de maraudeurs ailés ou à quatre pattes. À l’époque des noisettes, l’écureuil du Canada s’établissait dans nos domaines ; les perroquets venaient croquer nos amandes, et une foule d’oiseaux de toutes sortes s’abattaient sur nos cerises et nos abricots. Dans le commencement, quand nous n’avions encore que peu d’arbres fruitiers, nous fûmes obligés de défendre notre récolte par tous les moyens de destruction et par les épouvantails que nous pouvions inventer : c’étaient des pièges, des gluaux, des lacs, des petits moulins à vent ; que sais-je ? Nous fûmes même forces d’en venir à tirer quelques coups de fusil qui enrichirent notre musée aux dépens des maraudeurs ; mais, plus tard, nous avions tant de fruits, que nous abandonnions aux oiseaux du ciel un peu de notre superflu sans en ressentir aucune gêne, et dès lors nous laissâmes les pillards se nourrir à leur fantaisie. Dieu n’a-t-il pas créé ses biens pour tous ?

Ce n’était pas seulement à l’époque des fruits, mais bien aussi dans la saison des fleurs que nous voyions arriver autour de nous une grande quantité d’oiseaux étrangers qui venaient chercher leur nourriture parmi nos possessions. C’étaient surtout les oiseaux-mouches et les colibris, si gracieux dans leur plumage, si vifs dans leurs mouvements. Aussi c’était toujours avec plaisir que nous saluions leur arrivée, et, bien loin de penser à les chasser, nous cherchions plutôt à les attirer près de nous.

Rien, effectivement, n’était plus joli à voir que ces petits