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le robinson suisse.

— Non, mon enfant, répondis-je, je ne t’en ferai pas.

— Pourquoi non ? Je vous assure que j’en aurais grand besoin.

— Je ne dis pas le contraire ; mais je dois le faire remarquer que tu prends un ton bien singulier pour demander ce que tu désires : Il faut que vous me fassiez. Ne dirait-on pas que nous sommes à tes ordres ?

— Oh ! papa, ce n’était pas ma pensée ; je voulais vous prier d’être assez bon pour me confectionner un masque.

— À la bonne heure ! Ainsi présentée, ta demande est respectueuse et convenable ; mais je n’en persiste pas moins dans mon refus. Jusqu’à présent, vous vous êtes trop facilement habitués à me regarder comme le fournisseur général de toute la colonie ; il est bon que vous vous chargiez vous-mêmes désormais du soin de vous procurer ou de vous confectionner les instruments et les objets qui vous manquent. Ainsi donc, si tu veux un masque de verre, tu le feras toi-même. »

Cette remontrance rabattit un peu le caquet de M. Jack, qui laissa, un moment, la parole à ses frères.

« Oui, disait Fritz, nous rapportons un bon nombre de peaux de bêtes qui, dans le commerce, seraient très-appréciées. Mais nous abandonnons à papa tous nos droits à leur propriété, en échange d’un verre de muscat de Felsheim, Nos prétentions ne sont pas exorbitantes.

— En effet, repris-je, j’achète là une cargaison de fourrures à bon marché. Aussi je m’empresse de consentir à votre proposition.

— Moi, reprit François, je ne demande pas mieux que d’abandonner aussi ce qui me revient ; mais, pour l’instant, je préférerais l’échanger contre un bon rôti que contre un verre de vin. La nourriture de sauvages dont nous nous sommes contentés aujourd’hui peut avoir son charme pour un amateur de l’imprévu ; moi, j’aime mieux, je l’avoue, notre cuisine européenne.