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le robinson suisse.

Ces paroles rendirent un peu de calme à notre chère ménagère, qui se mit aussitôt à préparer, pour en faire le rôti, un des cochons que j’avais apportés. Ernest et moi, pendant ce temps, vidions les deux autres, qui furent dépecés et salés. Je recommandai à ma femme de laisser plus longtemps son rôti dans la saumure et d’avoir soin de l’arroser de graisse d’oie et de beurre fondu, comme nous faisions pour nos pigeons. Après ces préparatifs préliminaires, il fut placé dans le four, où il ne tarda pas à exhaler une odeur des plus appétissantes.

Vers le soir seulement, nous vîmes arriver Jack, monté sur son autruche. Ses deux frères le suivaient d’un peu loin ; ils portaient tout le butin de la journée, car le coursier de maître Jack n’avait pas une selle disposée de façon à pouvoir soutenir des fardeaux. Ce butin, d’ailleurs, était considérable ; il remplissait deux sacs chargés sur le dos de l’onagre et du taureau. Nous examinâmes vite leur contenu ; il se composait de quatre animaux du genre de ceux que nous avions nommés bêtes à bec d’un singe, d’un kanguroo, d’une vingtaine d’ondatras, de plusieurs rats d’une autre espèce que je crus reconnaître pour appartenir à la famille du castor moschatus, à cause de sa trompe cartilagineuse, et enfin de deux lièvres à longue queue, que je regardai comme étant des tolaï. De plus, Fritz avait ramassé un fort paquet de grands chardons qu’il supposait pouvoir m’être utiles ; mais notre attention, fixée tout entière sur les animaux, nous les fit d’abord négliger. La voix perçante de Jack domina bientôt les cris de joie et les félicitations de chacun ; il pariait plus haut que tout le monde réuni.

« Oh ! papa, disait-il, quel admirable coureur que mon autruche ! On se sent emporté avec la rapidité du vent ! c’est au point que l’air me coupait la figure et que j’étais souvent obligé de fermer les yeux. Papa, il faut que vous me fassiez un masque de verre qui me permette de diriger ma monture sans crainte d’être aveuglé ou de perdre la respiration.