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le robinson suisse.

attachée à l’arrière de la chaloupe, en sorte que, la marée montante les mettant à flot, nous n’eûmes plus qu’à les remorquer jusqu’à Felsheim.

Ces vertèbres devaient me servir à confectionner cinq ou six foulons que je tenais à achever avant l’époque de nos récoltes. Rien n’était plus pénible pour nous que d’être obligés de piler dans des mortiers le grain que nous retirions des épis : cette opération prenait beaucoup de temps, et notre fatigue n’était pas suffisamment récompensée par les résultats obtenus. Mais, pour fabriquer ces foulons, j’avais besoin de plusieurs autres matériaux qui me manquaient, d’abord des blocs de bois nombreux et épais pour la confection desquels il me fallait chercher un arbre suffisamment gros.

Un matin, je vis les enfants, armés de souricières, s’échapper, sans rien dire, de l’habitation. Je pensai qu’ils allaient tenter une chasse aux rats dans les environs, et je résolus de profiter de leur absence pour faire, de mon côté, une excursion solitaire jusqu’à l’Écluse, où je devais prendre en même temps de la terre glaise qui me manquait. Ma femme me laissa partir sans objection, d’autant mieux qu’elle me dit avoir vu Ernest, que je croyais avec ses frères, s’enfermer dans la bibliothèque, afin d’y travailler tranquillement. J’attelai donc au traîneau le buffle de Jack, que celui-ci dédaignait pour son autruche, et je me fis accompagner de mes deux chiens.

Après avoir passé par le pont de la Famille, je me dirigeais vers la partie de la forêt la plus voisine, lorsque je crus remarquer que nos plantations de manioc et de pommes de terre offraient l’aspect d’un défrichement singulier. D’abord, je pensai que peut-être mes enfants les avaient bêchées et sarclées, par ordre de leur mère ; mais, à mesure que je m’approchai, je reconnus qu’au lieu d’un défrichement j’avais un bouleversement complet. Le désordre était au comble : les tiges, à moitié arrachées ou brisées, gisaient