Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
294
le robinson suisse.

travail urgent à leur donner, je résolus, non sans quelque hésitation et quelque peine, de les laisser une fois faire seuls l’essai de leurs forces. Je sentais qu’il était bon, pour développer leur courage et leur intelligence, qu’ils fussent un peu livrés à eux-mêmes. D’ailleurs, j’avais une grande confiance en mon fils aîné, et je savais que lui remettre la garde de ses frères serait à ses yeux une obligation de montrer dans toute sa conduite une sagesse et une prudence qu’il n’aurait peut-être pas eues s’il se fût agi de lui seul. Ces réflexions m’amenèrent à leur proposer de faire sans moi une excursion dans la savane. Cette proposition fut accueillie par les cris de joie de tous, excepté d’Ernest, qui d’abord ne disait rien, et me demanda ensuite de le dispenser de cette expédition.

Je n’avais parlé de la chasse dans la savane que comme d’une partie de plaisir, je ne pouvais donc refuser à Ernest ce qu’il me demandait ; mais, en revanche, je fus obligé de consentir au départ du petit François, que je comptais d’abord faire rester auprès de nous, et qui mit tant d’insistance à obtenir la permission d’accompagner ses frères, que je n’eus pas la force de la lui refuser.

Les trois jeunes chasseurs allèrent aussitôt seller leurs montures, et, quelques instants après, ils revenaient prendre mes instructions avant de se mettre en marche. Ernest et moi leur souhaitâmes de bonnes et utiles découvertes ; je recommandai à Fritz de veiller sur ses frères, et à ceux-ci d’obéir à leur aîné, à qui je transmettais momentanément mon autorité. « Que le ciel les protège, dis-je en les voyant s’éloigner, et qu’ils ramènent les enfants à leur père ! Il faut, d’ailleurs, que ces jeunes gens s’habituent à se tirer d’affaire eux-mêmes. Qui sait ce que l’avenir leur réserve ? Peut-être arrivera-t-il quelque circonstance où ils seront forcés de trouver en eux seuls la prudence qui prévoit le danger, le sang-froid qui permet de choisir les moyens de le combattre, et l’énergie, enfin, qui en fait triompher. »