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le robinson suisse.

Nous commencions à en approcher, quand Fritz, qui marchait toujours en avant, nous cria tout à coup : « Dépêchez-vous, voilà toute une armée de coqs et de poules d’inde qui s’est sans doute réunie pour faire honneur au convoi de nos ennemis ; mais il y a devant la caverne un vigilant gardien qui ne laisse personne approcher. »

Ces paroles piquèrent notre curiosité et nous doublâmes immédiatement le pas. Nous vîmes tout autour de la grotte une foule d’oiseaux que leur plumage noir et leur cou nu, d’un rouge clair, faisaient ressembler effectivement à nos coqs d’Inde. À l’entrée, un grand oiseau se tenait debout, défendant l’approche aux autres plus petits et paraissant monter une sorte de faction, comme s’il eût obéi à une consigne. Son bec était fort et recourbé comme celui des oiseaux de proie, ses serres aiguës, son plumage noir et blanc, sa tête était surmontée d’un lambeau de chair analogue pour la couleur à la crête d’un coq, son cou était nu et ridé, excepté au milieu, ou un léger duvet blanc semblait lui servir de cravate. Il se promenait à pas lents à l’ouverture de la caverne, où il entrait parfois, mais sans y rester plus d’un instant.

Nous considérions ce spectacle avec étonnement, quand j’entendis au-dessus de nos têtes un fort bruit d’ailes agitées, et une grande ombre vint se projeter sur le sable. Nous levâmes les yeux, et j’avoue que l’aspect d’un énorme oiseau, dont les serres et le bec menaçants semblaient prêts à déchirer une proie, était loin de nous rassurer. Un coup de fusil partit, et nous vîmes ce nouvel ennemi tomber avec rapidité et se fracasser la tête sur le rocher. C’était Fritz, qui, plus actif que nous, l’avait tiré en l’air. À ce coup adroit de notre chasseur, chacun se mit à pousser des exclamations de joie, et les chiens excités se précipitèrent sur le cadavre, dont ils se mirent à lécher le sang. Cette attaque subite, jointe au bruit de la détonation, fit envoler toute la bande emplumée, et il ne restait plus que la sentinelle de la ca-