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le robinson suisse.

expliqué à mes enfants, d’après mes souvenirs d’histoire naturelle, le boa roula sa queue autour d’un rocher voisin, pour se donner plus de force sans doute et finir dans une dernière étreinte les convulsions de sa victime à l’agonie. En vain celle-ci tenta un suprême effort, elle succomba bientôt sous son redoutable adversaire, qui la tenait de tous les côtés, serrant sa tête et bouchant ses naseaux avec sa gueule entr’ouverte ; un spasme moins violent que les autres agita l’âne, puis les pieds de devant se détendirent, et il retomba allongé sur le sable, sans mouvement et sans vie. Le boa commença immédiatement à broyer les chairs et les os, en sorte que bientôt l’âne n’eut plus conservé de sa forme que la tête ; le reste n’était plus qu’une masse sans couleurs distinctes, toute tachée de sang. Après ce premier travail, le serpent quitta sa proie, et, se promenant tout autour, il se mit à lécher les plaies, soit pour s’abreuver du sang de sa victime, soit plutôt pour enduire tout son corps de la bave qui coulait de sa gueule ; puis il arrangea les pieds, ramenant ceux de devant près de la tête, et allongeant ceux de derrière de manière qu’ils fussent dans le prolongement du corps de l’animal ; lui-même, enfin, s’étendant horizontalement sur le sol, ouvrit ses mâchoires d’une manière effrayante et se mit à engloutir sa proie en la prenant par la queue.

Chaque fois que la gueule s’ouvrait, nous voyions une partie de l’animal disparaître dans le gosier du reptile ; un instant de repos suivait pour donner le temps à la déglutition de s’achever ; quelquefois le repos était plus considérable et accompagné de mouvements du gosier, comme si quelque os mal broyé se fût arrêté dans la gueule ; mais alors la bave devenait plus abondante, et bientôt le boa continuait son horrible festin. Enfin, de notre pauvre grison, à peine restait-il la tête, qui sortait pendante en dehors de la gueule du monstre, comme s’il n’avait pu la broyer assez pour l’avaler. À ce moment la digestion s’opérait sans doute.