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le robinson suisse.

moi. — J’ai la certitude que ce qui s’avance vers nous est un serpent gigantesque.

— Eh bien, répliqua Fritz, en ce cas, il faut le combattre !

moi. — Oui ; mais pas en rase campagne. L’écaille du serpent le défend trop bien pour que nous l’atteignions facilement ; mettons-nous en sûreté. »

Cet avis n’était pas celui de mon courageux enfant ; mais le danger que nous courions me paraissait trop grand pour ne pas employer mon autorité à prescrire toutes les mesures de défense qui seraient nécessaires. Je fis, eu conséquence, rentrer tout le monde, barricader solidement la porte et les fenêtres ; tous les fusils furent chargés à balle, et j’en confiai un à ma femme et à François ; car contre un ennemi pareil je sentais que nous n’étions pas trop, même en réunissant toutes nos forces.

Nous pouvions maintenant le distinguer facilement. C’était un boa ; je le craignais du moins, et ce que j’avais lu ou entendu dire de la vigueur prodigieuse de ces animaux ne contribuait pas peu à augmenter mes craintes. Je suivais avec anxiété tous ses mouvements. Il s’avançait justement dans notre direction, tantôt dressant sa tête, d’où sortait une langue fourchue, tantôt glissant sur le sable avec une telle rapidité, qu’il eût été beaucoup trop tard de chercher à lui couper la retraite en enlevant les planches du pont. J’espérais, d’ailleurs, que la rivière lui serait un obstacle et qu’il n’oserait pas s’avancer au delà. Mais mon espoir fut déçu, car bientôt nous le vîmes se diriger vers nous, comme si son instinct l’eût averti qu’il y avait là pour lui une riche proie.

Mes enfants étaient tous à leur poste, le fusil à la main et prêts à faire feu ; mais ils n’avaient pas trop bonne contenance ; et, en vérité, j’excusais bien leur frayeur, puisque moi-même, en considérant le danger que couraient tous les êtres chéris qui composaient ma famille, je ne pouvais m’em-