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le robinson suisse.

accourut sur ces entrefaites et loua Jack de son habileté. « Bravo ! lui dit-il, tu seras bientôt aussi habile tireur que moi. À présent, je veux essayer si je ne pourrais pas, à mon tour, prendre un de ces beaux messieurs. »

Il courut chercher à la grotte le dévidoir et les harpons ; Ernest le suivait, désireux de se signaler aussi par quelque haut fait. Nous accueillîmes leur arrivée avec plaisir : le saumon blessé se débattait avec tant de force, que je craignais de voir la ficelle se briser et notre proie nous échapper. Ernest et Fritz nous aidèrent donc à le tirer sur le sable, où j’achevai de le tuer. Jack atteignit ensuite un énorme esturgeon ; moi, j’en perçai deux ; Fritz un de huit pieds que nous eûmes une peine infinie à sortir de l’eau. Ernest, moins heureux et n’ayant qu’un hameçon assez faible, tua deux saumoneaux. Je fis cesser la pêche, et nous nous occupâmes de la salaison de nos poissons ; les vessies furent mises à part pour faire de la colle ; je lavai les œufs trouvés dans le ventre des femelles, pour en faire un mets très-estimé des Hollandais et des Russes et qu’on nomme caviar. Voici comment je le préparai : après avoir lavé mes œufs, comme je l’ai dit, je les pressai dans une calebasse percée de mille petits trous et les laissai là vingt-quatre heures environ ; alors j’eus une masse compacte et dure assez semblable au fromage qui commence à se former. Je l’exposai à la fumée pour la faire sécher. Le caviar ainsi préparé se garde longtemps et se mange par tranches, comme le fromage. Nous en avions environ vingt-cinq à trente livres.

« Maintenant, dis-je à mes enfants, occupons-nous de notre colle de poisson ; nous avons de quoi en faire, et de la meilleure. »

Ils coupèrent les vessies en longues bandelettes d’un pouce de large, qu’ils nouèrent fortement par une des extrémités, roulant l’autre avec une pince en bois, jusqu’à ce que les bandelettes eussent pris la forme d’une coquille. On les mit ensuite sécher au soleil, où elles devinrent dures